Pont entre la méditation de pleine conscience et la méditation chrétienne

En tant que chrétienne engagée, formatrice en pleine conscience, travaillant à l’ULB depuis 22 ans, j’ai choisi de m’inscrire dans la lignée

•  de toutes ces personnes qui ont fait des ponts entre la méditation boudhiste/indouhiste et la méditation chrétienne.
•  des scientifiques chrétiens qui font des ponts entre science et foi.
•  des Pères du désert et Pères de l’Eglise qui nous ont appris à méditer depuis le IIIème siècle

et d’animer des sessions qui feront des ponts entre la pleine conscience, technique laïque qui a prouvé scientifiquement son efficacité sur la santé, et la méditation chrétienne.  Je ne veux pas faire d’amalgame.  Chaque technique a sa propre trajectoire, chaque méthode suit son propre chemin, son objectif  et il convient de les respecter.  Je tenterai de créer des ponts entre les différents chemins.

Est-ce possible de faire des ponts entre une méditation laïque et la méditation chrétienne ?   Je m'appuyerai sur plusieurs auteurs contemporains.

Christophe André
"Même laïcisée, codifiée, scientificisée, instrumentalisée, mise au (noble) service de la médecine, et du soin, la méditation, naturellement, revient vers ses racines spirituelles, et y ramène ses pratiquants réguliers. Après avoir été un remarquable outil qui les a aidés à surmonter leurs détresses, elle les ouvre à leur vie intérieure et à ses mystères, et devient une voie d’approche de leurs interrogations existentielles.
Comme une boussole revient toujours vers le nord, la méditation, même laïcisée, même originellement pratiquée pour s’apaiser (en terme de souffrance) ou s’enrichir (en termes de capacités mentales, de maîtrise, de lucidité), ramène toujours vers la spiritualité.
Méditer pour mieux prier ?
Un des effets bénéfiques de la vogue actuelle pour la méditation aura été de rappeler à de nombreux chrétiens leur propre tradition méditative, très riche et ancienne. Dès les premiers siècles de notre ère, les Pères du désert ont formulés des recommandations saisissantes de modernité à propos des pratiques contemplatives. « Oraison silencieuse », « oraison de simple regard », « prière de silence intérieur » … ont décrit des démarches dans lesquelles les croyants … s’efforcent de se tenir en présence de Dieu, dans le silence….
Nombreux sont, parmi les prêtres et les croyants, ceux qui pensent que la méditation, sous sa forme la plus élémentaire, celle de la pleine conscience, représente un intéressant préalable à la prière."   (Christophe André, dans Christus ,° 256, oct 2017,  p. 11-15)

Jean - Marie  Gueulette, dominicain

"la prière de simple présence est bien autre chose qu'un simple exercice psychologique visant à être aussi présent que possible, même si un tel exercice peut aider à y entrer. La prière est présence réciproque et aimante de Dieu et de sa créature, dans une relation unique et intime, relation inviolable qui ne relève d'aucune méthode. Tel ou tel  conseil pratique, sur la posture, le souffle ou la répétition du nom sont de pussiants soutiens, mais ne constitient pas ultimement la prière" ( J.M. Gueulette "l'assise et la présence" p.196-197)

Geneviève Comeau, xavière

« l’expérience d’intériorité qu’il arrive de faire dans la méditation n’est-elle pas un chemin possible vers la transcendance ?
Dans la foi chrétienne, l’ouverture à la transcendance, qui est désir de Dieu, est constitutive de l’être humain.

La soif de méditer est-elle le signe d’une quête de salut ? on peut répondre par l’affirmative, si l’on prend le mot « salut » dans un sens très large, comme la libération de nos prisons mentales.  Mais il s’agit d’un salut sans « sauveur », d’un salut dont chacun se fait l’artisan pour lui-même …. Or dans la foi chrétienne, le salut est donné par le Christ Sauveur.
Le besoin de méditer, qu’éprouvent beaucoup de gens dans notre société, nous conduit également à vivre une réelle présence au moment présent – sans nous laisser ronger d’inquiétude par l’anticipation de l’avenir.  La rencontre de Dieu se fait au présent, dans l’aujourd’hui de nos vies. « Le Père Joseph-Marie Perrin, dominicain et grand confident de Simone Weil, disait que rien de ce que nous connaissons ne ressemble plus à l’éternité que l’instant présent, et que nous devions le comprendre symboliquement comme un sacrement (…) . Celui qui ne sait pas s’asseoir à l’intérieur de l’instant, celui-là ne saura jamais ce qu’est la paix sereine et illuminée de « être-avec ». (Geneviève Comeau, dans christus, n° 256, oct 2017, p. 16-24 )
 

Remi de Maindreville, jésuite

"Méditer est une expérience spirituelle, même si elle ne requiert aucune conviction religieuse particulière.  Mais, plus qu’une voie, la foi chrétienne reconnaît dans cette respiration intérieure une initiative de l’Esprit de Dieu.  Dans la paix que procure la méditation, la foi voit les fruits d’une rencontre avec Dieu qui s’incarne dans nos vies. Dans la saveur et la paix intérieure que procure la méditation, la foi nomme les fruits d’une rencontre heureuse avec Dieu….
La méditation … qui unifie chacun dans un silence intérieur est une voie privilégiée par Dieu pour révéler aux hommes son amour et son alliance avec eux. « Dieu était là est je ne le savais pas » s’écrie Jacob.
Méditer, c’est entrer en relation avec soi-même, avec l’Autre qui fait sourdre en nous une Parole qui nous habite, nous fait vibrer, nous conduit, nous père aussi, une parole vivante qui prends sens et corps en nous.  Méditer appelle d’abord du silence, du respect, de la considération car, dans ce dialogue intérieur avec nous-même où s’élabore nos pensées, nos paroles, nos attitudes, tout ce qui donne sens à notre vie, Dieu a choisi de se révéler comme Celui qui crée et qui sauve." (Remi de Maindreville, jésuite,  dans christus, n° 256, oct 2017, p. 32-36)

Luc Ruedin, Jésuite

"La méditation de pleine conscience permet bien de s’intérioriser et de sa recueillir. Offrant une meilleure stabilité émotionnelle, elle donne au méditant de moins se focaliser sur lui-même. Elle peut donc favoriser une méditation chrétienne qui se spécifie par une attention portée sur l’initiative du Tout-Autre.
Le méditant (chrétien) ne se recueille pas pour voir le réel ou bénéficier de vertus thérapeutiques, mais pour accueillir la présence d’un Autre au plus intime de lui-même…. Recueilli par l’immersion méditative, le croyant goûte en son cœur la présence de Celui qui est plus intime à lui-même que lui-même et plus élevé que les cimes de son âme…. La foi révélatrice aide le méditant à ne pas vouloir saisir mais à être saisi par le Mystère qui se reflète en lui et qu’il réfléchit, au deux sens du terme. Il touche alors à la réalité spirituelle qu’il nomme Dieu. Tout l’effort de sa méditation consiste donc à découvrir cet Amour qui le précède et le désire, ou plutôt à être découvert par lui.  Si l’acte méditatif requiert au début une attention maximale – selon des méthodes et techniques d’attention corporelle et de concentration mentale - , elle fait toujours place, à mesure que le Mystère se révèle à la contemplation, à une passivité heureuse qui permet d’accueillir pleinement Celui qui vient…. La proximité de cette Présence gratuite, et unique entre toutes, devient alors à la fois le soutien et l’aliment de sa prière. Elle lui donne d’être contemplatif dans l’action." (Luc Ruedin, dans christus, n° 256, oct 2017, p. 69-70)

 Patrice Gourrier , prêtre diocésain et formateur en pleine conscience MBSR, à Poitiers, auteur de nombreux ouvrages. Il anime des sessions de pleine conscience MBSR et des sessions "pleine conscience et quête intérieure" où il fait le lien entre la méditation de pleine conscience et la méditation telle que nous l'ont apprise les Pères du désert.

"La pleine conscience constitue à nos yeux une opportunité à ne pas manquer. Nous avons, en effet, constaté lors de l'animation de groupes thérapeutiques basés sur le protocole défini par Jon Kabat-Zinn que la méditation de pleine conscience constituait très souvent le "marchepied" d'une démarche spirituelle. La question est de savoir si les chrétiens vont rester sur le bord du quai, ou s'ils iront travailler avec ceux et celles qui se sont investis dans cette démarche depuis de nombreuses années, sans crainte de confusion, respectant les spécificités de chacun, permettant ainsi à nos contemporains de découvrir les trésors de la spiritualité chrétienne fondée sur un Dieu révélé dont Saint Jean nous dit qu'il est Amour." (Patrice Gourrier, dans "le besoin de méditer" sous la direction de Aude Zeller, éd labor et fides, 2015)

Dans les activités proposées (journées, week-end, cycles),

je commence par donner des méditations inspirées de la pleine conscience, afin de nous aider à apaiser nos pensées et émotions et de plonger au coeur de notre être.

Ensuite, je propse un saut dans la foi que Dieu est présent ici et maintenant et

j'invite à la prière dans un dialogue en TU avec le Père, le Fils, l'Esprit, Marie, ...

une méditation d'un petit texte biblique ou d'un  Père de l'Eglise  ou

dans la prière de simple présence.